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Commerce vert et agriculture écologique : Un centre jésuite de formation en agriculture en Indonésie

Greg Soetomo SJ

L'effet de serre est mondialement reconnu comme étant un des facteurs dominants des changements climatiques et de la crise environnemen­tale. Les gaz responsables de l'effet de serre sont principalement le dioxyde de carbone (CO2), le dioxyde d'azote (NO2) et le méthane (CH4). Ces gaz possèdent des potentiels de réchauffement global qui varient.

L'augmentation de ces gaz dans l'atmosphère est causée par les humains et l'activité humaine. La responsabilité pour les dommages causés se partage entre l'agriculture (15 %), la diminution de la forêt amazonienne (15 %), l'activité dans les domaines de la chimie et de la physique (20 %) et l'utilisation de l'énergie et de la circulation (50 %).

Le CO2 constitue le gaz le plus significatif quant à son lien avec le climat et, à ce titre, il est responsable de 22 % de l'effet de serre. Les émissions de CO2 causées par l'agriculture proviennent de la consommation directe du pétrole et de carburants ainsi que d'une consommation indirecte d'énergie (ex. engrais et pesticides). Sur la base d'une estimation générale des émissions, la plupart des études révèlent une émission plus basse de CO2 dans les systèmes d'agriculture organique, et par hectare.

À la lumière de ces constatations, avons-nous raison de rêver à une agriculture écologique ? Nous croyons que oui.

Agriculture écologique

Généralement parlant, l'agriculture a eu des impacts tant positifs que négatifs sur l'écosystème en termes de gestion de la faune et de la flore ainsi que du paysage. Par contre, le rôle joué par l'agriculture organique sur la gestion de la faune et de la flore se révèle uniquement positif et réellement prometteur.

L'agriculture écologique, également appelée agriculture organique, peut être caractérisée comme étant un système de gestion agricole excluant l'utilisation d'engrais et de pesticides chimiques. Un système agricole fondé sur l'exclusion de ces apports nuisibles se révèle sensible à l'environnement et moins nuisible que l'agriculture conventionnelle.

Les systèmes d'agriculture écologique dépendent, en très grande partie, de la rotation des cultures, des restes des fruits de la récolte, du fumier animal, des déchets organiques extérieurs à la ferme, ainsi que de mesures de contrôle biologique des insectes et autres animaux nuisibles et ce afin de maintenir la productivité du sol, de fournir des nutriments végétaux ainsi que de contrôler les mauvaises herbes et autres problèmes. L'agriculture organique, peut être définie, selon ses antécédents idéologiques, comme étant une agriculture fondée sur le concept de la ferme en tant qu'organisme au sein duquel tous les éléments - sols, plantes et animaux - interagissent pour maintenir la stabilité du système.

Une étude comparative évaluant les impacts de l'agriculture écologique et de l'agriculture conventionnelle sur l'environnement et l'utilisation des ressources démontre que l'agriculture organique est plus performante que la conventionnelle lorsqu'on tient compte d'une majorité d'indicateurs environnementaux.

Influence nouvelle

Il y a plus de 700 ans, la religion exerçait beaucoup plus d'autorité que n'importe quelle autre force sur la planète. Elle a été remplacée, il y a deux cents ans par l'état ou le gouvernement. Aujourd'hui, les forces les plus puissantes et influentes sont le commerce et le monde des affaires qui s'arment pour mener la société vers une unité mondiale.

Simultanément, le capitalisme se retrouve à une croisée des chemins et fait face à un changement environnemental planétaire et à une réaction grandissante contre la mondialisation. Les compagnies se retrouvent également à un carrefour, et trouver de nouvelles stratégies pour augmenter les profits devient de plus en plus difficile. Ces deux problèmes sont intimement liés.

Devant cette situation mondiale, quelques corporations multinationales (CMN)) investissent aussi dans la recherche de solutions aux problèmes sociaux et environnementaux. Des technologies plus durables se développent afin de soutenir ces efforts. Toutefois, malgré toutes ces innovations, environ 4 milliards de personnes ont été laissées pour compte dans ce processus de mondialisation.

Notre centre Kursus Pertanian Taman Tani (KPTT) rêve de produits et de technologies qui engendreront une nouvelle croissance tout en aidant à résoudre les problèmes environnementaux et sociaux d'aujourd'hui.

Une réponse du KPTT

Kursus Pertanian Taman Tani (KPTT centre de formation agricole) est un centre dirigé par les Jésuites qui vise à offrir une formation en agriculture organique avec un esprit d'entreprise. Fondé en 1965 et situé à Salatiga, au centre de l'île de Java en Indonésie, ce pensionnat, dont le Père Y. Wartaya Winangun SJ est directeur depuis 2004, a formé des milliers d'étudiants : 1116 (en un an) ; 2399 (cours de 3 mois) ; 269 (courts ponctuels ; 2006-2009) ; 9 116 (élèves de la maternelle et du primaire - 2004-2009).

L'intérêt décroissant pour l'agriculture parmi les étudiants n'est pas particulier à l'Indonésie et se retrouve à l'échelle mondiale. Pourquoi ? Comment peut-on raviver l'intérêt pour l'agriculture chez les jeunes ?

Une situation aux Pays-Bas semble ici intéressante. L'ancienne université agricole de Wageningen a retiré le mot 'agricole', de son nom officiel ; une décision prise par le conseil d'administration parce que le nombre de nouveaux étudiants choisissant leur université déclinait d'année en année. Il est à souligner que cela n'était pas le cas pour les universités techniques néerlandaises. Une fois le nom changé, les demandes d'admission ont augmenté. Est-ce que KPTT (formation en agriculture) doit se transformer en KATT (formation en agroalimentaire) ? Un changement de nom n'est certainement pas suffisant ; celui-ci doit être suivi d'un système, d'une mentalité institutionnelle nouvelle et de la transformation de tout le personnel. En fait, le KPTT, selon sa vision et la définition de ses objectifs, a tenté, via son curriculum de formation, d'éduquer les jeunes pour qu'ils deviennent des entrepreneurs agricoles et des fermiers organiques.

Si on veut résoudre les problèmes environnementaux de la terre, la recherche du profit et le besoin d'un développement durable devront s'harmoniser. Nous sommes convaincus que les préoccupations environnementales peuvent être résolues tout en étendant la prospérité à ceux qui vivent au bas de la pyramide, les quatre milliards de pauvres jusqu'ici ignorés par le marché mondial. Notre souci est de découvrir comment les pauvres peuvent participer, à travers des petites et moyennes entreprises agrocommerciales, à une industrie agroalimentaire respectueuse de l'environnement.

La raison d'être du KPTT est de fournir un programme aux entrepreneurs agricoles afin d'harmoniser les préoccupations environnementales avec la recherche du profit, et il y arrive en mettant clairement en évidence le lien entre les deux. Ceci constitue un tournant dans le débat sur le rôle émergeant et la responsabilité du commerce dans la société.

Curriculum

Le curriculum du KPTT pour la formation en agriculture écologique en relation avec les capacités commerciales prend appui sur quatre points :

1. Insister sur les pratiques de base : le KPTT accorde beaucoup d'importance aux aspects pratiques. Son point faible est son manque de compréhension de la théorie qui sous-tend les pratiques.

2. Offrir des principes d'agriculture durable : l'idée contemporaine de l'agriculture indonésienne est : « comment créer une véritable agriculture viable dans ce pays ? »

3. Mettre en évidence le contexte local : les participants, qui proviennent de partout en Indonésie, découvrent les défis locaux de l'agriculture indonésienne. Ceci est important dans un pays aussi vaste que l'Indonésie, qui s'étend sur trois fuseaux horaires et possède de multiples types de sols, de cultures ainsi qu'une nature, des climats et des univers culturels très variés.

4. Offrir un objectif stratégique : le KPTT met l'accent sur deux sortes de formations : 1. compétences techniques en agriculture ; 2. compétences en affaires.

Contenu :

1. Connaissance de l'agriculture organique

2. Fertilité des sols

3. Élaborer un projet d'agriculture organique

4. Produire un pesticide organique

5. Gérer et maintenir une agriculture organique

6. Gestion

7. Biogaz : énergies alternatives

8. Produits agricoles organiquement traités

9. Compréhension de la nutrition dans les produits d'agriculture organique

10. Gestion agroalimentaire

11. Leadership

12. Capacités en communication

Le rêve du KPTT : au-delà de la simple sensibilisation à la production organique

Une véritable préoccupation à l'égard de l'agriculture respectueuse de l'environnement est très répandue parmi les fermiers indonésiens. La sensibilisation est le premier pas important à franchir. Mais cette évolution progressive ne fera que ralentir les dommages environnementaux. La nature même des affaires, peu importe la taille de l'entreprise, invente de nouvelles formes de 'capitalisme naturel'. Si nous voulons que le monde des affaires et l'environnement marchent main dans la main, nous devons aller « au-delà » et trouver quelque chose qui soit culturellement approprié, durable sur le plan de l'environnement et économiquement profitable. Nous devons devenir 'éco-efficaces' de manière à obtenir un bon rendement écologique. Nous devons aller au-delà de la simple sensibilisation.

En allant plus loin que la sensibilisation, les communautés travaillant en agroalimentaire espèrent, non seulement, se concentrer sur le désamorçage des alarmes sociales et environnementales, mais également jeter les bases des processus d'innovation et de croissance dans les décennies à venir. Cela peut être accompli, tout d'abord en inventant de nouvelles technologies propres utilisant des énergies renouvelables ou organiques ; ensuite en contrôlant les bénéfices du capitalisme et en les amenant à non seulement privilégier les communautés mais aussi tous les êtres humains, y compris les quatre milliards de personnes qui ont été laissées en marge par le fondamentalisme du marché.

Est-ce que les technologies innovatrices peuvent être rendues accessibles aux pauvres ?

Considérant la demande pour les nouvelles technologies et les nouveaux marchés, le concept d'aller 'au-delà de la sensibilisation' offre de belles opportunités qui ne sont pas sans risques. Si cela est le cas, c'est habituellement le pauvre qui souffre le plus.

Le cas de la banque Grameen du Bangladesh, illustre bien comment un rêve d'une vie meilleure reste possible pour les perdants d'un monde orienté par la loi du marché. Muhammad Yunus a, durant des dizaines d'années, été obsédé par le rêve d'une banque pour les pauvres parmi les pauvres. Après de nombreuses discussions avec ceux-ci, il en a conclu que les pauvres sont des travailleurs infatigables qui savent où ils veulent aller. Ils n'ont tout simplement pas accès aux capitaux pour améliorer leur qualité de vie. C'est pour cela qu'il a fondé la banque Grameen.

Une motivation similaire se trouve derrière l'effort du KPTT de transformer son curriculum en agriculture écologique, en se concentrant sur « la production de nourriture saine, sans endommager la nature et l'environnement, et en vue du marché local quotidien et non pas seulement pour les quelques privilégiés qui peuvent se le permettre ».

Le curriculum doit former les étudiants à utiliser leur propre imagination en ce qui concerne la production de nourriture écologique. Ce curriculum comportera quatre aspects :

1. Offrir une connaissance approfondie de la production de nourriture organique.

2. Apprendre à mettre en pratique les idées innovatrices.

3. Développer une attitude pratique empreinte de respect et d'amour pour la nature et l'agriculture.

4. Développer des habiletés en communication tant du point de vue oral qu'écrit.

Ce qu'on peut espérer pour le réseau international jésuite

1. Existe-t-il une institution jésuite comparable, ayant des objectifs en marketing et en développement des affaires, qui permettrait au KPTT d'apprendre de nouvelles leçons ? Des contacts avec d'autres écoles jésuites de commerce et d'affaires seraient profitables.

2. Un centre comme le KPTT qui rend le 'capitalisme naturel' fonctionnel de manière efficace, devrait œuvrer avec d'autres écoles jésuites techniques qui produisent des technologies propres et écologiques.

3. Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, comment pouvons-nous transformer les savoir-faire et les connaissances de notre personnel ainsi que leur mentalité pour qu'ils soient au service de notre nouvelle vison et de notre nouvelle mission : aider à intégrer la formation agricole et aller au-delà du simple commerce organique ? Jusqu'ici, le KPTT a développé une politique du personnel en accord avec de bonnes normes sociales du travail. Désormais, le KPTT désire travailler avec des principes de gestion des ressources humaines. Cela signifie que le KPTT ne considère pas seulement ses employés en termes de coûts, mais en tant que sources de savoir et d'innovation permanente.

4. Comment développer des opportunités de formation et de recyclage pour le personnel et les étudiants diplômés ?

1Greg Soetomo SJ éditeur de Catholic Weekly Magazine HIDUP, une revue de Jakarta ; et communicateur pour les apostolats sociaux en Indonésie.



 
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